MOSTAR dans la guerre
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         Mostar est une ville de Bosnie-Herzégovine, ex-république de la fédération de Yougoslavie qui comprenait six républiques : la Slovénie, la Croatie, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine et le Monténégro. Face à l’hégémonisme serbe dirigé par Slobodan Milosevic, les républiques de Slovénie et de Croatie, en 1991, puis de Bosnie-Herzégovine et de Macédoine en 1992, vont sortir de la Fédération de Yougoslavie. Ainsi commence le plus important conflit européen depuis la seconde guerre mondiale.

        Depuis le XVI ème siècle, en des temps où les guerres de religions enflammaient l’Europe occidentale, Mostar accueillait dans ses murs la diversité et la tolérance que symbolisait le voisinage des lieux de culte orthodoxes, catholiques et musulmans. Mostar, c’est " la ville du pont " sur la Neretva qui assura une certaine prospérité à la capitale de l’Herzégovine et fut un passage entre les civilisations, aux marches de l’Empire Ottoman.

Autrefois unie dans le soulèvement contre le joug de la Sublime Porte, puis bien plus tard dans la lutte anti-fasciste contre les occupants italiens et allemands, la ville succomba néanmoins au conflit yougoslave.

Dès l’été 1992, les milices croates du H.V.O. organisèrent la lutte contre les installations et les casernes de l’armée yougoslave qui était, depuis plusieurs années déjà, l’instrument des dirigeants nationalistes serbes de Belgrade. Le recul de l’armée entraîna l’exode de la communauté serbe de Mostar et de ses environs.

C’est à cette époque que fut dynamitée la vieille église orthodoxe, sur la rive gauche. La ville était déjà exposée à des bombardements sporadiques depuis les positions des nationalistes serbes, situées plus au sud.

Mais c’est au printemps 1993 que Mostar entre vraiment dans la guerre. La politique irrédentiste des nationalistes croates en Bosnie-Herzégovine, appuyés par la Croatie de Franjo Tudjman pousse aux affrontements intercommunautaires.

 

A Mostar, les nationalistes croates organisent la déportation des populations " non-croates ", séparant les familles, généralement " mixtes " en milieu urbain. Des colonnes sont formées dans les rues ; on expulse en dehors de la ville, les hommes partent pour des camps. Mostar doit être la capitale de la république croate autoproclammée d’ " Herceg-Bosna " qui refuse le gouvernement de Sarajevo.

Une défense civile s’organise à l’Est de la ville. Populations et combattants de la jeune " Armée de la République de Bosnie-Herzégovine " (de fait, à majorité " musulmane ") y subiront un siège d’un an, coincés entre les zones nationalistes serbes et croates.

La vieille ville est détruite à 80%, les combats de rue sanglants opposent souvent les mêmes fils de Mostar, pour le jeu de haines nationalistes venues d’ailleurs, et sans qu’un camp puisse vraiment l’emporter.

Sous les pressions de la diplomatie américaine, la Croatie oblige les nationalistes de Bosnie-Herzégovine à arrêter les combats et à renoncer, sur le papier du moins, à leur Etat sécessionniste. Un cessez le feu puis des accords créant une " Fédération de Bosnie-Herzégovine " (dite " Fédération croato-musulmane ") qui rassemble les zones contrôlées par les nationalistes croates et celles du gouvernement de Sarajevo, sont signés à Washington en mai 1994.

Une administration municipale de l’Union Européenne, sous la direction de Hans Koschnik, est mise en place pour favoriser la réunification de Mostar. Mais l’Union Européenne ne parvient pas à s’imposer aux nationalistes encore très influents et violents qui bloquent toute initiative contre la partition. Très peu soutenu par l’Union Européenne et ses gouvernements, Hans Koschnik démissionne et l’administration européenne évacue la ville au bout de deux ans.

Les accords de Dayton, en octobre 1995, amènent un cessez le feu général en Bosnie-Herzégovine. Affirmant officiellement l’unité du pays, la diplomatie occidentale renonce pourtant à inclure les zones nationalistes serbes constituées en une république auto-proclamée dite " Republika Srpska " dans la fédération. Le pays est proclamé " uni " mais séparé non moins officiellement en deux " entités "...et officieusement en trois.

En effet, les institutions fédérales " croato-Musulmanes " ne fonctionnent pas et Mostar est une ville profondément divisée. En 1996, on pouvait compter deux mairies, deux postes, deux universités, deux tribunaux, deux état-civils, deux plaques d’immatriculation, deux monnaies et, en comptant les forces internationales, pas moins de trois armées et six polices différentes.

Pourtant, très lentement la situation politique et sociale à Mostar évolue. Sur le plan social, les contrastes entre l’Est et l’Ouest, entre la partie assiégée et détruite (à majorité " Musulmane ") et la partie occupée par les nationalistes croates, tendent à s’estomper. En 1997, les différences de niveau de vie sont déjà moindre, la reconstruction avance enfin à l’Est, essentiellement grâce à des initiatives privées après le départ de l’administration européenne.

L’économie a du mal à surmonter les entraves politiques, et les structures industrielles sont loin d’être partagées. La ville est maintenant composée à 60 % de réfugiés (de tous cotés confondus) qui changent profondément les comportements citadins, généralement vers un sectarisme inconnu jusqu’alors.

Chômage et débrouilles sont le quotidien de larges franges de la population. L’absurdité d’une ville coupée en deux pèse sans cesse. Paranoïas, rumeurs, provocations, heurts plus ou moins violents entretenus par une propagande nationaliste officielle à l’Ouest, ou plus subtile mais toute aussi nocive à l’Est, font de Mostar une ville clef pour le maintien de la " paix de Dayton ".

En effet, si les volets civils des accords de paix ne sont toujours pas appliqués (notamment l’arrestation des criminels de guerre et le retour des réfugiés), les forces de l’O.T.A.N. garantissent au moins la paix des armes et font un important acte de présence dans la ville.

Ce n’est donc plus la guerre ; mais personne n’ose parler de paix, tant la situation semble dépendre d’une protection militaire et de la politique internationale.
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