Juillet - décembre 1995

 

 

Mercredi 5 juillet 1995

Le dernier convoi d’aide humanitaire entre dans Srebrenica.

 

Jeudi 6 juillet 1995

Début de l’attaque serbe à 4h30 sur la « zone de sécurité »: 450 obus et grenades, ainsi que 6 missiles tombent sur la « zone » de Srebrenica. Vers 13 heures, première demande de « close air support » du DUTCH BAT à Zagreb, via Sarajevo. Rupert Smith est absent de Sarajevo. Refus du général néerlandais Cees Nicolaï, chef d’état-major de l’ONU en Bosnie-Herzégovine.

 

Vendredi 7 juillet 1995

Rencontre entre Carl Bildt, Slobodan Milosevic et Ratko Mladic. Carl Bildt ne fait pas mention de l’attaque serbe sur Srebrenica.

 

Samedi 8 juillet 1995

Prise définitive par les Serbes de «Foxtrot » au sud de la « zone». Mort d’un casque bleu hollandais, tué par des Bosniaques. Le lieutenant-colonel Karremans réclame une deuxième fois à Sarajevo des frappes aériennes. Second refus.

 

Dimanche 9 juillet 1995

Nombreux tirs de grenades et d’obus sur les positions de la FORPRONU. Depuis le 26 avril, pas un membre du bataillon hollandais (le DUTCH 338 BAT 3) n’a pu sortir de la « zone». Depuis mai, il n’est plus approvisionné et n’a pas reçu d’essence depuis le 18 février.

« Uniform », « Kilo » et « Delta», au sud-est de la « zone», sont pris par les Serbes. Vingt casques bleus sont retenus en otages. Abandon par les casques bleus et pillage par les Serbes des deux premiers postes d’observation au sud de la «zone». Progression de l’offensive serbe par le sud et par l’ouest. 2000 soldats et miliciens du 5 corps de la Drina, appuyés par plusieurs milliers d’autres à l’arrière et 20 30 chars (T54-55), bénéficient d’une assistance opérationnelle de l’armée yougoslave. Troisième requête de Tom Karremans à Sarajevo pour des appuis au sol. Troisième refus.

 

Lundi 10 juillet 1995

Quatrième requête de Tom Karremans pour des appuis au sol. Quatrième refus. « Bernard Janvier accuse les Bosniaques de tout faire pour entraîner l’ONU et l’OTAN dans une guerre avec les Serbes», David Rhode.

Bernard Janvier a une conversation téléphonique avec le général serbe Zdravko Tolimir.

Réunion de crise relative à un éventuel appui au sol entre le général Janvier, le général Tom Kolsteren, John Almstrom, représentant de Yasushi Akashi et le colonel Buttler de l’US Air Force. Les colonels Thierry Moné et François Dureau sont les assistants de Bernard Janvier.

Yasushi Akashi et Bernard Janvier estiment que Ratko Mladic ne veut pas prendre Srebrenica : « Que ferait-il des milliers de réfugiés ? » Yasushi Akashi est à Dubrovnik pour une rencontre avec le gouvernement croate. Le soir, lors d’une rencontre entre Tom Karremans et les autorités bosniaques de la « zone», le commandant leur assure que des frappes auront lieu le lendemain.

 

Nuit du lundi 10 juillet au mardi 11  juillet  1995

Des Serbes portent l’uniforme des casques bleus. Suicides dans la population. Une partie de celle-ci décide de former une colonne et de s’enfuir à travers bois en direction du nord et de Tuzla (à 65 km environ).

 

Mardi 11 juillet  1995

Début de l’offensive serbe sur Zepa. Les forces bosniaques de Zepa désarment les membres du bataillon ukrainien. Arrestations et premières exécutions dans Srebrenica. Tirs d’obus sur la base de Potocari. Au petit matin, pas de frappes aériennes. L’ordre se serait perdu entre Srebrenica, Tuzia et Sarajevo. Le bataillon réitère sa demande de la veille à 7h45. A 14h30, deux F16 hollandais de l’OTAN tirent sur des chars serbes. Les Serbes menacent de tuer leurs otages. A 16 heures, ils contrôlent la totalité de la « zone  ». Depuis le petit matin, la foule des civils, hommes, femmes, enfants et vieillards s’agglutine autour et dans la base du DUTCHBAT à Potocari, à 6 km au nord de Srebrenica. La base est installée dans une ancienne usine de batteries « Fabrika akumulatora ». A 12 heures, ils sont déjà 4 à 5000.

Deux réunions de reddition ont lieu en présence de Tom Karremans, le proviseur du lycée de Srebrenica, Nesib Mandzic (pour la première) et de Ratko Mladic. Tom Karremans trinque avec Radio Mladic. Présence de journalistes serbes et du général serbe Oivanovic.

« A la veille d’une grande fête serbe, nous offrons cette ville au peuple serbe... Le moment est venu de prendre notre revanche contre les turcs de cette région», Ratko Mladic.

Le soir, on compte près de 30 000 personnes autour et dans la base du bataillon. Début du tri des hommes âgés de 14 à 70 ans. Exécutions et tortures en série à proximité de la base. Déportation par camions et bus des 3365 hommes réfugiés à Potocari. En 5 jours, plus de 10000 hommes seront systématiquement assassinés.

« Notre mission s’est achevée avec succès », Moncilo Perisic, général et commandant de l’armée yougoslave. Le commandant du corps de la Drina des milices serbes est le général Milenko Zivanovic.

Réunion du haut commandement des Nations unies pour la région présidée par Yasushi Akashi. Celui-ci traite directement avec Slobodan Milosevic, qui lui assure que les casques bleus à Bratunac peuvent se déplacer librement. Les blessés, ainsi que le personnel local à l’intérieur du périmètre du Q.G. de la FORPRONU à Potocari sont pris en charge par les médecins de l’association MSF : docteurs Daniel Golden et Kristina Schmidt. Vers minuit, départ de la colonne de 12000 personnes environ. Le lieu de regroupement est le hameau de Susnjari. Dans un premier temps, les Serbes laissent passer la colonne qui s’étend sur près de 15 km. Les derniers partent seulement le lendemain midi. Elle sera très vite divisée en un groupe de tête de4 000 personnes et divers groupes plus petits. Comme ils l’ont fait durant le siège de Srebrenica, les Serbes envoient des gaz sur la colonne. Prise de «Papa» entre Potocari et Bratunac.

 

Mercredi 12 juillet 1995

Troisième et dernière réunion entre Radio Mladic, le commandement et des représentants des réfugiés (dont Ibran Mustafic, représentant de Srebrenica à l’Assemblée de Bosnie) à 9h30. A midi, début de la déportation par bus des femmes, enfants et vieillards vers Kladanj. 400 femmes et jeunes filles du village de Tisca sont enlevées par les Serbes et sont toujours portées disparues à ce jour. La file des camions et des bus est accompagnée par 13 ou 14 véhicules des Nations unies (tous volés ensuite par les Serbes).

Viols de femmes, assassinats d’enfants et d’hommes par les Serbes dans les rues et autour de Srebrenica ainsi qu’à proximité de la base du bataillon. Naissance de 50 bébés dans la base entre le 11 et le 14 juillet. Rencontre entre Rudolf Perina, chargé d’affaires américain, et Slobodan Milosevic.

Au sein de la colonne, les morts se comptent par centaines. Bombardements, tirs sur la colonne et incursions serbes. Scènes de suicides collectifs à la grenade. Un millier d’hommes et de femmes sont massacrés au « pont de la boue rouge ». Les hommes qui se rendent sont systématiquement assassinés.

Vote de la résolution 1 004 par le Conseil de Sécurité exigeant que les forces serbes de Bosnie cessent leur offensive et se retirent immédiatement de la « zone » de Srebrenica.

En présence des caméras de la télévision de Pale, les Serbes déportent dans des bus et des camions, et avec l’aide de certains membres du personnel de la FORPRONU, 14000 civils, femmes, enfants, vieillards. Les miliciens et soldats serbes dépouillent systématiquement tous les passagers de leurs biens. Dans les premiers jours, 10000 à 12000 personnes trouvent refuge à Tuzla. Avec l’aide de casques bleus, arrestation par les Serbes des derniers hommes à l’intérieur de la base. Les casques bleus sont témoins d’exécutions massives.

Toujours devant les caméras et les photographes, Mladic embrasse ses soldats et donne du chocolat et des boissons aux femmes et aux enfants de Srebrenica. Évacuation des blessés sous une chaleur étouffante par les médecins de MSF et le personnel local. Bombardement de l’OTAN, sur un transport de troupes et un char serbe (le char ne sera pas touché).

Afin d’empêcher des excès, le chef de bataillon (le lieutenant-colonel Tom Karremans) décide de coopérer à l’évacuation. Les soldats hollandais obligent les derniers hommes à quitter la base. Lors de son audition au TPIY comme témoin dans le cadre de l’affaire « Karadzic, Mladic », Tom Karremans répondra au juge Riad: « (...) il ne m’est pas venu à l’esprit de demander [à Mladic] ce qui était arrivé aux réfugiés».

 

Jeudi 13 juillet 1995

Le Q.G. serbe à Srebrenica est installé dans le bâtiment des P.T.T. La déportation des populations reprend dès 6h30. Une liste de 239 personnes en âge de porter les armes est établie à l’intérieur de la base à l’initiative du commandant Franken. 60 hommes refusent de donner leurs noms, ils sont remis aux Serbes. La plupart des casques bleus sont persuadés que les Serbes respecteront les conventions de Genève. Exécutions massives des hommes par les Serbes en divers lieux.

Au moins 200 hommes de la colonne restent armés. Ils prennent des armes aux Serbes et un officier en otage. Le Haut Commissariat aux Réfugiés confirme la disparition de près de 8000 personnes. Toutes les demandes d’inspection du CICR envoyées à Ratko Mladic sont rejetées. Le CICR recense 34000 survivants sur 42000.

Willy Claes, secrétaire général de l’OTAN, déclare que Srebrenica « est définitivement perdue». A 17h30, les dernières personnes sont dépotées de la base de Potocari. Les officiers serbes, le commandant Obrenovic et le général Zivanovic ordonnent des massacres d’hommes à Glodzange. Le général Janvier réclame à Yasushi Akashi un retrait des personnels de la FORPRONU de Zepa et de Gorazde.

 

Vendredi 14 juillet 1995

Le DUTCHBAT donne 3000 litres de carburant à R. Mladic pour « rembourser » les dépenses de carburant occasionnées par « l’évacuation des bosniaques ».

Pale lance un ultimatum à l’ONU et à l’armée bosniaque pour qu’ils évacuent Gorazde. Jacques Chirac propose de reprendre par la force la « zone de sécurité » de Srebrenica. Rencontre entre Slobodan Milosevic, Ratko Mladic et Cari Bildt à Dobanovici, Belgrade.

 

Samedi 15 juillet 1995

Cari Bildt (négociateur pour l’UE), Thorwald Stoltenberg (médiateur des Nations unies pour l’ex-Yougoslavie) rencontrent à nouveau Slobodan Milosevic à Belgrade. il s’agit principalement de négocier la libération des casques bleus.

 

Dimanche 16 juillet 1995

Inculpation par le TPIY de Radovan Karadzic et Ratko Mladic de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour le siège de Sarajevo. Les premières familles serbes commencent à s’installer dans Srebrenica. Les casques bleus sont autorisés à quitter Potocari.

 

Lundi 17 juillet 1995

Les 4000 à 5000 survivants de la colonne arrivent en territoire bosniaque. Les Serbes font signer au commandant Franken une déclaration précisant que l’évacuation des Bosniaques était conforme aux lois internationales (Franken déclarera avoir signé sous la menace).

 

19 juillet 1995

Offensive serbe sur Bihac. Arrivée à Tuzla des premiers hommes rescapés des massacres de masse et premiers témoignages. Intensification de l’offensive serbe sur Zepa. Rencontre entre Rupert Smith et Ratko Mladic à Sarajevo. Ils signent un accord pour un accès du CICR auprès des prisonniers et pour une libre circulation de la FORPRONU dans les « zones de sécurité ». Ratko Mladic lui annonce la chute imminente de Zepa.

 

20 juillet 1995

Premier rapport des enquêteurs des Nations unies sur les atrocités commises à Srebrenica.

 

21 juillet 1995

Réunion à Londres des ministres des Affaires étrangères et de la Défense de 15 pays contributeurs. Gorazde devient selon eux la « ligne rouge). Le groupe de contact adopte un plan de frappes aériennes massives contre l’armée serbe. Pillage de toute la « zone » de Srebrenica par les Serbes. Les cinq mosquées et l’église catholique de Srebrenica sont entièrement rasées, les cimetières en partie détruits.

 

23 juillet 1995

Rencontre à Split entre Franjo Tudjman et Alija Izetbegovic. Signature d’un traité de défense commune.

 

25 juillet 1995

Chute et capitulation de Zepa après son attaque par plusieurs milliers de soldats et miliciens serbes et la résistance de quelque 1 000 à 2000 combattants bosniaques.

 

26 juillet 1995

Début de la déportation dans 21 bus de la population de Zepa (2500 personnes dans un premier temps). Vote au Sénat américain favorable à la levée unilatérale de l’embargo sur les armes à destination de la Bosnie-Herzégovine (69 voix pour, 29 contre). Les satellites espions américains ont filmé et photographié les massacres de Srebrenica.

 

27 juillet 1995

Quatre réunions de reddition ont lieu à Zepa entre Ratko Mladic, deux délégués des Nations unies et Avdo Palic. Palic est arrêté par les Serbes et assassiné. Assassinats de 36 hommes dont 12 blessés (entre 100 à 150 hommes seront assassinés). Début de la contre-offensive croato-bosniaque sur Bihac et la Krajina (opération « Storm »). L’état-major de Ratko Mladic se déplace à Banja Luka.

Tadeusz Mazowiecki démissionne de ses fonctions de rapporteur spécial à la commission des droits de l’homme de l’ONU. Dans sa lettre de démission adressée à M. Boutros Boutros Ghali, il l’informe « qu’il ne peut plus participer à un processus fictif de défense des droits de l’homme ».

« Nous savions ce qui allait se passer à Srebrenica. Mladic allait être plus impitoyable qu’ailleurs pour se venger des revers qu’il y avait subi. Seul un imbécile ne pouvait le prévoir, ou bien quelqu’un de très mal informé. Je ne sais pas si le général Janvier est un imbécile ou quel qu’un de très mal informé, mais il est complice de ce génocide», José Maria Mendiluce, ex-UNHCR.

 

1er août 1995

Mission à Tuzla auprès des survivants de John Shattuck, adjoint au Secrétaire d’État William Christopher.

 

4 août 1995

Fin de l’évacuation des femmes, des enfants et des vieillards de Zepa. Par groupes de 300, les hommes finissent de quitter la « zone». L’étau serbe se desserre suite à la contre-offensive générale croato-bosniaque.

 

5 août 1995

La Krajina tombe. Knin est reprise par les Croates. 12000 Serbes se réfugient en Serbie. Des exactions sont commises par les Croates sur les populations serbes.

 

8 août 1995

Rencontre entre Yasushi Akashi, Slobodan Milosevic et Bernard Janvier portant sur le sort de la Slavonie.

 

10 août 1995

Le Département américain, par l’intermédiaire de son ambassadeur à l’ONU, présente à huis clos aux membres du Conseil de sécurité sept photographies satellite de la région de Srebrenica (zones de Nova Kasaba et de Konjevic Polie) où figurent plusieurs dizaines de charniers.

 

19 août 1995

Mort près de Sarajevo de Robert Frasure, représentant de Biil Clinton en Bosnie.

 

28 août 1995

Un nouveau bombardement des Serbes depuis Lukavica sur « Markale » fait 37 morts et 48 blessés.

Du 30 août au 2 septembre et du 5 au 14 septembre 1995, opération « Deliberate Force», bombardements de l’OTAN sur des cibles serbes.

 

8 septembre 1995

Reconnaissance officielle de la « Republika Spsrka » (république auto-proclamée des Serbes de Bosnie), à Genève, dans le cadre de la signature d’un accord.

 

13 septembre 1995

Donji Vakuf est reprise aux serbes. Les Croates rentrent dans Jajce.

 

5 octobre 1995

Fin de la contre-offensive croato-bosniaque. Les troupes de la Fédération sont à quelques kilomètres de Banja Luka. Milosevic demande aux américains de faire stopper l’offensive. Richard Holbrooke impose un cessez-le-feu. Yasushi Akashi quitte ses fonctions.

 

Fin octobre 1995

Par petits groupes, des survivants des massacres parviennent dans les territoires libres.

 

Novembre 1995

Accords de paix de Dayton, qui entérinent le partage ethnique de la Bosnie-Herzégovine et permettent l’arrêt des combats. Signature des accords à Paris, le 14 décembre.

 

16 novembre 1995

Inculpation de Radovan Karadzic et Ratko Mladic par le TPIY pour crimes de guerre, génocide et crimes contre l’humanité.

 

Décembre 1995

Rupert Smith quitte ses fonctions.

 

15 décembre 1995

Vote de la résolution 1031 par le Conseil de Sécurité de l’ONU « pour la passation de pouvoir » entre la FORPRONU et l’IFOR (OTAN).